vendredi 27 janvier 2017

L’ancien chef du renseignement d’Israël parle de Trump



L'ancien chef du service de renseignement israélien « Nativ », Jacob Kedmi, analyste politique, a été parmi les premiers à présager la victoire de Donald Trump. Il confie ses prédictions concernant le mandat du nouveau président américain.
Jacob Kedmi. Il ne s'agit pas de se poser la question si Trump peut faire quelque chose. La véritable question est de savoir si on peut vraiment réformer l'Amérique ! Ce qu'il veut faire retourner son pays à la situation où les principaux moyens de production étaient localisés à l'intérieur des États-Unis où le capital restait était fructifié. Le moyen de le faire est de renoncer au rôle du gendarme mondial. Ce pays en fait trop et ne peut assurer tous ses engagements. A y regarder de près, les énormes richesses matérielles et intellectuelles accumulées aux États-Unis, le furent grâce aux deux Guerres Mondiales qui ont ruiné le monde, mais ont profité aux États-Unis. Ce pays était parmi les plus protégés et favorisés, mais le vent a tourné.
L'hégémonie politique américaine profite à l'économie américaine. Pour la plupart, les transnationales américaines sont des sociétés de droit privé qui mettent leurs revenus à l'abri loin des frontières américaines. Le grand objectif est de les faire rentrer au bercail pour construire une tout autre économie nationale. Autrement dit, ça équivaudrait à transformer les États-Unis en Japon pour faire vivre le peuple du fruit de ses mains et assurer son propre développement. Mais en même temps, le Japon se cantonne à ses propres îles.
Le plan de Trump consiste à faire retrouver aux États-Unis ses véritables frontières naturelles pour renforcer son pays de l'intérieur, mais ça ferait perdre à Washington une partie de son ascendant extérieur tout en limitant les revenus des plus grands monopoles internationaux. C'est sera la clé de voûte de la bataille principale à gagner. Trump en sortirait-il victorieux ? Qui vivra verra ! Mais le processus enclenché doit faire regagner aux États-Unis ses vraies dimensions au profit d'autres puissances qui ont émergé entretemps et qui exigent leur place.
- S'agit-il d'un processus irréversible ?
Jacob Kedmi. Pour être irréversible, il l'est.
- Mais Trump finirait bien par partir un jour. Il ne peut compter que sur 8 ans au maximum. Ce jour-là son successeur pourrait bien reprendre le flambeau d'une hégémonie mondiale.
JK. Je n'aime pas à faire des parallélismes avec l'Allemagne nazie, mais l'histoire doit bien servir à quelque chose. Hitler arriva au pouvoir en 1933. Six ans plus tard, l'Allemagne devint la première puissance européenne, l'une des premières au monde, avec une économie prospère et une grande armée. Sans entrer dans le concret, on peut en déduire qu'en 8 ans on peut abattre beaucoup de travail.
Prenons un autre cas de figure - l'Union Soviétique. En 1932, l'URSS fut encore dépourvue d'une armée moderne et d'une infrastructure industrielle. Elle peinait à replâtrer tous les dégâts de la Grande-Guerre. Mais, dans une période de 9 années, à partir de 1932 et jusqu'en 1941, le pays effectua un saut prodigieux qui lui permit de remporter la victoire dans la pire guerre de toute l'histoire de l'humanité. Donc, en 5, 6 ou 8 ans on peut faire énormément de choses, mais on peut aussi perdre beaucoup !
- Quelle serait la politique internationale de Trump ? A plus d'une reprise, il a avancé qu'il voudrait améliorer ses relations avec la Russie...
JK. Les Américains ne traitent personne d'égal à égal. Eux tous, y compris Trump, se considèrent comme « les premiers parmi ses pairs ». A ce jour, tous les traités passés avec la Russie, étaient conclus par les Américains comme s'ils avaient affaire à des Indiens qu'ils considèrent comme des peaux-rouges et point comme leurs égaux. Une telle attitude est solidement ancrée dans le subconscient collectif des élites locales - économiques, étatiques, politiques et intellectuelles. Il s'agit d'un certain racisme : j'appartiens à une communauté qui est meilleure que les autres, c'est pourquoi je dois bénéficier de plus de droits et je peux vous prescrire à vous, les sauvages, votre modus vivendi. C'est bien ce qu'Obama a proféré le jour où il avait déclaré : « C'est nous qui fixons les règles auxquelles le monde entier doit obéir ! »
Donald Trump serait un peu moins rigide et agressif, mais une telle approche ne s'estompe pas sans changer de génération. La notion d'égalité est en contradiction avec le système américain, leur façon de vivre, leur approche générale. Parce que chez eux le principe « Prouve à tous que tu es le meilleur ! » est la pierre angulaire de l'idéologie nationale. Mais même si tu as plus de succès et que tu es meilleur que moi, tu n'es pas autorisé à dicter aux autres ce qu'ils ont et ce qu'ils n'ont pas à faire. En Amérique - si !
Trump tâte le pouls russe
Le président élu Donald Trump a laissé entendre qu’il serait à même d’échanger la levée d’un paquet de sanctions (pas toutes) contre un nouvel accord START sur la réduction des armements nucléaires avec la Russie. « L’Occident a imposé des sanctions à la Russie. Examinons donc maintenant l’opportunité de coopérer avec la Russie ! Je crois qu’il faudrait commencer par une réduction substantielle de l’arsenal nucléaire », a déclaré Trump, lors d’une interview accordée au journaliste du périodique Times, en réponse à la question sur l’avenir des pourparlers sur la réduction des armements stratégiques des deux puissances mondiales. Il est également à noter que Trump a tancé la Russie pour son ingérence dans le conflit syrien. Selon lui, les agissements de Moscou ont mené « à une situation humanitaire catastrophique dans la région ». Il est de notoriété publique que, récemment, Trump insistait sur la nécessité de renforcer le bouclier nucléaire des États-Unis. « Les États-Unis se doivent de développer leurs arsenaux jusqu’à ce que le monde prenne conscience de la portée des bombes A », avait écrit Trump sur son compte Twitter. Plus tard, Trump a déclaré que son pays serait en mesure de dépasser tous les autres concurrents dans la course aux armements. Il est tout de même à noter que son fraîchement nommé attaché de presse, Sean Spicer, a laissé entendre que la nouvelle course aux armements n’aurait pas lieu. Selon Spicer, Trump ne chercherait qu’à prouver à tout un chacun qu’il ne resterait pas les bras croisés au cas où quelqu’un s’en prendrait aux intérêts de son pays. Cependant, les experts ont trouvé à redire sur la position de Trump la qualifiant « d’ambiguë ». Ils craignent aussi que Trump ne soit tenté d’opérer un retour en arrière en changeant la politique des États-Unis qui, depuis un demi-siècle, cherchent à réduire les arsenaux nucléaires à travers le monde. Selon le magazine Forbes, Trump se rendrait parfaitement compte que le conflit nucléaire avec Moscou mènerait à « la destruction de la démocratie américaine ». Une telle optique l’obligerait à chercher un terrain d’entente avec le Kremlin. Mais, en même temps, Washington poursuivrait d’autres objectifs dont la modernisation de ses armes et le développement de son potentiel militaire au Vieux Monde pour sécuriser l’Europe et endiguer le danger d’un conflit armé pouvant dégénérer en " Armageddon nucléaire».
Conclusion
L'époque d'Obama est bien révolue et le monde se tient au seuil d'une nouvelle réalité sans savoir trop à quel saint se vouer. Que doit-on penser de Trump ? Certains de nos lecteurs expriment un espoir prudent, d'autres crient à la victoire, en l'acclamant par monts et par vaux. Quoi qu'on dise à son compte, Trump reste le fils de son propre peuple qui fera de son mieux pour préserver les intérêts américains. C'est un truisme qui n'a pas besoin d'être explicité : tout président a pour obligation la défense de son propre sanctuaire qui lui incombe ce qui n'implique pas forcément d'agir aux intérêts de ses alliés. Inventé encore au temps de la Rome Antique, « allié » comme terme voulait dire « contraint à la coopération » (il s'agissait, à l'époque, des petits États que les Romains obligèrent à coopérer manu militari). Donc, être l'allié des États-Unis ne veut dire grand-chose.
Certes, comme nous l'avait très bien indiqué en économiste invétéré Charles Sannat, Donald Trump a renoncé aux accords sur le libre-échange des biens et des marchandises entre le Nouveau-Monde et l'Europe, le fameux et tristement célèbre TAFTA dont le texte n'a jamais été donné en examen aux parlementaires européens. Ce Traité aurait failli enfoncer le dernier clou dans le cercueil de l'agro-alimentaire français qui a déjà pâti des sanctions antirusses. Mais en faut-il conclure que le président américain se soucie des carottes et des oignons français ? A mon corps défendant, j'avancerais qu'il s'en soucie comme d'une guigne. Jacob Kedmi, ancien chef du service de renseignement israélien « Nativ », a bien raison de dire que Trump veut renflouer le marché de travail national US : et pour le remettre à flot, il faut bien créer de nouveaux emplois et consommer ses propres biens sans les faire produire à l'étranger. L'accord TAFTA contribuait à la fuite des capitaux - et Trump entend garder jalousement tout chez lui.
Et si le nouvel hôte de la Maison Blanche veut se débarrasser de l'OTAN, c'est parce que l'OTAN lui coûte extrêmement cher. Mais, une fois de plus, cette politique va-t-elle servir le monde ?
Il est curieux d'observer le mutisme qui, de nos jours, frappe très souvent les observateurs politiques. Comme l'a dit l'un des gros bonnets de la haute finance: « Donald Trump casse les stéréotypes et les gens ne savent plus comment orienter leurs articles et autres commentaires. Ils ont peur de se tromper d'accents toniques ! » Sic.
Cependant, il existe une hypothèse que je crois être censée et que je veux bien émettre : Trump ne représenterait pas la nouvelle aube du monde, comme on disait il y a un demi-siècle, mais plutôt le crépuscule d'une réalité évanescente. Donald Trump serait plutôt une tentative des grandes fortunes de l'Amérique et de la strate supranationale de redorer le blason de l'aigle américain. Et très souvent la route vers l'enfer est pavée des bonnes intentions, comme on dit. Et je ne me rappelle que trop bien l'époque de JFK où tout le monde jubilait à chaque harangue de Kennedy. Ces gens-là lui pardonnaient d'avoir mis les missiles balistiques intercontinentaux en Turquie (« Zeus ») ce qui causa la riposte de l'URSS avec l'ouverture de la base militaire à Cuba. Le même Kennedy a décidé de bâtir le mur de Berlin. Si vous voulez un autre cas de figure d'un héros anglo-saxon historique, ce sera forcément Winston Churchill (le franc-maçon le plus fameux et le plus secret de Grande Bretagne, et dont le petit-fils, Winston Churchill Jr, est aussi membre franc-maçon) qui se réjouissait de la fin de la Seconde Guerre Mondiale pour, le lendemain, prononcer un discours qui marqua le début de la Guerre Froide et la constitution de l'OTAN. C'est plus ou moins dans le caractère anglo-saxon que de palabrer devant les caméras pour faire et dire du mal au nom des grandes idées.
Trump est sorti du même creuset. Lui demander de renoncer à la chair fraîche du monde équivaudrait à mettre un léopard au régime herbivore.

Hannibal GENSERIC