lundi 26 décembre 2016

La France remet un prix de journalisme à un salafiste, supporter d’Al-Qaïda.



Tare professionnelle, les journalistes sont trop modestes. Ce qui compte pour eux ce n’est rien d’autre que le combat pour que la vérité aboutisse, et arrive à temps pour le « 20 heures ». Ainsi la presse a trop peu évoqué le palmarès du dernier Prix Bayeux, des récompenses attribuées aux « correspondants de guerre ». Un vocable désuet qui désignait jadis des journalistes qui tuaient le temps sur les champs de bataille. Je ne comprends pas la pudeur de mes confrères ? Pourtant cette année le jury  s’est distingué en récompensant, sans hésiter, un compagnon de route du Djihad mondial. Un choix qui aurait mérité plus de lignes, plus de mots.

L’heureux confrère, primé pour un reportage signé en commun avec Clarissa Ward de CNN, porte le nom de Bilal Abdul Kareem. 
Prix bayeux
Bilal Abdul Kareem
Et ce n’est pas n’importe qui. Né en 1970 à New York, Bilal se rêve d’abord acteur. Plutôt que l’écran, il crève la faim. Dans sa pérégrination, en 1997, il déménage à Brooklyn, par hasard près d’une mosquée, et c’est la révélation. Bilal devient un fou de Dieu. Tant même que certains lui accordent le titre d’imam…
Il passe ses jours et ses nuits entre le Coran et la grammaire arabe. L’envie de mieux vivre sa vocation le pousse à s’installer au Soudan, à Khartoum, ville bénite où le Congrès Islamique Mondial a son rond de serviette.
Un peu mieux nourri de religion, Bilal part alors pour l’Égypte. A force de pratiquer le Tafsir, c’est-à-dire l’exégèse du Livre, il poursuit son chemin vers la sainteté. D’une sacristie l’autre, le voilà en contact avec les gardiens des Lieux saints. Une télé saoudienne lui propose un job, il va sans dire dans une chaine très halal qui vit au rythme de la prière. Hélas, sans doute sur un désaccord de doctrine, notre confrère quitte la télé et part au Rwanda pour y tourner un documentaire. Le maniement de la vidéo ne fait pas oublier les voies du Seigneur au converti. Le 5 novembre 2009 quand, à l’intérieur du camp de Fort Hodd au Texas, l’officier Nidal Malick Hasan flingue 13 de ses propres collègues, le vidéaste Bilal  -par le biais du site « Révolution Islamique »-  poste une auto interview signée AIM Films. Le contenu est simple : il approuve la tuerie texane. Pour Bilal le geste de Hasan est « un acte de guerre et non une action terroriste ou criminelle ». Dans la foulée de son aspiration à un Djihad mondialisé, il soutient les rebelles tchétchènes au point que son nom est cité lors d’un procès lié à un marché d’armes. En 2012  la guerre en Syrie arrive à temps puisque Bilal se sent pousser, à lui seul, les ailes d’une brigade internationale. Il s’installe sur le champ de bataille, et assez vite à Alep. Inutile de se laisser pousser la barbe, il l’a longue depuis des mois. 
Là sa maison devient une rédaction tenue par un seul homme-orchestre, notre courageux confrère photographie, écrit, blogue, filme. Bilal a la chance d’être le seul « correspondant » accrédité, supporté par les djihadistes, il a le monopole. Médusé par cet homme protée, le monde des médias occidentaux lui passe parfois commande. Avoir des nouvelles fraîches de ces rebelles –coupeurs de têtes et cannibales forcément modérés – est une chose utile.
En novembre 2015, après les massacres de Paris, en tant que phare de la pensée islamique, Bilal rend son jugement : « Je ne condamne les crimes de Paris que si l’on condamne les crimes commis par les tueurs français contre des musulmans innocents ». Un propos venu du front, assez cohérent, mais peu fait pour enthousiasmer les rescapés du Bataclan ou les actionnaires de CNN.  Et c’est ainsi que le Prix Bayeux a été décerné à un compagnon de route de tous les salafistes, sauf ceux de Daech. Amnesty International, l’organisation humanitaire qui patronnait ce « Deuxième Prix catégorie TV », doit être enchantée d’avoir porté des lauriers au front de ce magnifique filleul.
Décidément l’automne est la période de grande forme pour notre  « correspondant de guerre »… Ne voilà-t-il pas, il y a un an,  que Bilal Abdul Kareem, sur Facebook relié en forum, répond à 29 questions posées par le web planétaire. Nous nageons là en pleine onction, les mots sont ponctués de références au Coran et au Prophète. De la rude pensée de Bilal, j’ai extrait le bonus qui va suivre.
Nous attaquons par une spéculation sur la composition du futur  gouvernement de la Syrie, celui qui sera mis en place par les rebelles qui prendront Damas. Le lauréat du Prix Bayeux répond : « Le danger serait alors l’installation d’un nouveau pouvoir qui ne représenterait pas toutes les forces islamiques ». Pas une syllabe pour les mécréants qui, nous dit-on, se battent pour l’avènement d’une démocratie sans Allah. A propos du comportement du groupe Ahrar Asham -une chapelle composée de barbares dont les chefs sont issus d’Al-Qaïda- notre confrère constate que ses frères-là « ont fait couler plus de sang que ce que l’on peut imaginer ». Mais que, sans eux la Révolution « ne serait pas où elle en est. Sans eux elle serait morte ». Bilal Abdul Kareem, le collaborateur de CNN, apprécie vraiment ces sympathiques guerriers qui forment « un groupe très influent qui a fait beaucoup pour le peuple syrien ». 
A la question posée sur ceux qu’il considère comme de  « vrais moudjahidin »,  Bilal répond : « Tous les groupes islamiques sauf ISIS (Daech) ont plus de vertus que de torts. Je ne peux en distinguer un seul ».
A un internaute qui s’étonne de ce que les rebelles de Jaish al islam exposent sur les places publiques des familles enfermées dans des cages, le compréhensif confrère répond : «  Je ne suis pas d’accord avec eux mais je sais pourquoi ils ont fait ça. Les bombardements d’Assad et de la Russie transformant leurs familles en pudding, ils utilisent comme boucliers humains  ceux qu’ils considèrent comme des supporters du régime. Je n’approuve pas mais je comprends. » Vous avez noté je « n’approuve pas ».
Et Al-Nosra, autre succursale d’Al-Qaïda n’est pas absente dans le cœur de Abdul Kareem : « Quand ils réussissent, c’est l’ensemble des factions rebelles qui réussit ».
L’avenir ? Bilal le voit en vert : « Le Syrie est un pays musulman qui doit être gouverné par des musulmans. Ici la démocratie est une notion étrangère qui ne peut fonctionner. »… Pourtant, à la place de Bachar, Hollande, Obama et Cameron nous ont promis la mise en place d’hommes libres et démocrates… Au terme de la Révolution, ce sera donc Allah.  Allah, et la charia, bien sûr. Une sainte charia  qui n’est pas l’horreur décrite par les Croisés d’Occident. Mais « qui est d’abord le moyen de faire adhérer toute la Oumma, le monde islamique, au futur régime de Damas. Oui les rebelles adoptent et adopteront la charia dès qu’ils auront repris toute la Syrie ».
Sur l’organisation des groupes islamistes, notre journaliste-généralissime s’exprime en guerrier. C’est normal. Il se réjouit de la création d’un comité militaire commun sous l’enseigne de Jaysh Al Fateh, un parapluie qui n’accueille que des unités ayant prêté allégeance à Al-Qaïda « c’est beaucoup plus efficace ». Comment les Syriens vivent-ils l’action et la présence de ces groupes armés ?  Très bien : « Les Syriens qui vivent avec Ahrar (milice sponsorisée par l’Arabie et le Qatar) supportent Ahrar, les autres, s’ils sont dans un secteur pris en main par Al-Nosra (Al-Qaïda), se comportent de la même façon ». Ainsi, selon le pigiste de CNN, vivre la guerre à Alep, sous la douce et clairvoyante férule des salafistes, c’est un temps de bonheur.
Œcuménique, amis de tout barbu, Abdul Kareem a quand même sa préférence. A lui. C’est Al- Nosra, donc le groupe vassal d’Al-Qaïda. Pour Abdul Kareem ces gens sont, si l’on peut dire, des types au poil. « Il gouverne de larges zones de Syrie… Pour différentes raisons il y a des gens qui n’aiment pas Al-Nosra, mais la réalité est que cette organisation est une part importante dans le conflit et qu’elle a rendu un grand service au peuple syrien ». Dommage que Ben Laden ne soit plus là pour lire un entretien aussi revigorant.
« Correspondant de guerre », à contre temps, essentiellement quand les canons grondent moins, le vénéré Jean-Claude Guillebaud, prince de la conscience bonne, président du jury de Bayeux versus 2016, a donc eu la main heureuse en distinguant un journaliste qui est un modèle : engagement total, courage, abnégation, publication sur supports multiples, notes de frais ridicules. Finalement ce dont rêve Bolloré (et autres) pour « I Télé ».
Prix bayeuxbilal abdulkareem interveiwant al Muhaysni
Le « correspondant de guerre » Bilal interviewant le chef jihadiste
saoudien opérant en Syrie, Shaykh Abdullah al-Muhaisany
Source : http://www.afrique-asie.fr/component/content/article/75-a-la-une/10579-la-france-remet-un-prix-de-journalisme-a-un-supporter-d-al-qaida